• Chapitre 1

    Depuis toute petite, j'ai toujours été convaincue que le hasard n'existait pas. Cette certitude n'était pas liée à une éducation particulière ou à une expérience inoubliable. Simplement, je voyais la chose à la manière d'un orchestre. Si le piano jouait, c'est parce qu'il était indispensable pour lier les instruments. Les violons résonnaient dans un but bien précis, et les cors soufflaient pour annoncer une nouvelle importante. Il n'y a rien qui ne relève du hasard dans une symphonie. Pas même le chef d'orchestre. Il est là, il a toujours été là, et il me semble qu'il le sera toujours. De même, je crois que je respire pour prendre part à l'orchestre entier d'une vie. 

    Le hasard n'existe pas, parce que je reste fidèle à un chef d'orchestre encore invisible à mes yeux mais qui compose ma vie comme il compose une symphonie ...

    ***

    Je m'appelle Léanna Clesia, je suis en première Littéraire et aujourd'hui, je change d'école. Nous sommes au mois d'Octobre et je suis transférée dans un nouveau lycée suite au travail de mon père. Un mois d'écart comble la rentrée et mon arrivée; j'essaie donc de relativiser afin d'apaiser mon angoisse : je serai bien accueillie. Tout de même, mon lycée précédent risque de me manquer et c'est cela qui m'effraie le plus ... Je n'avais pas d'amies aux quelles j'eue été particulièrement proche, mais une nostalgie étrange flotte en moi depuis le jour où j'ai quitté cet établissement. Espérons qu'elle ne persiste pas et qu'elle n’entache pas ma première journée dans ce nouveau lycée !

    Après tout, l'ancien avait un niveau peu élevée et les bagarres se faisaient entendre tout les jours. J'avoue que j'y ai vite pris goût, moi qui aime me battre, mais j'ai néanmoins regretté de ne pas avoir eu des bons moments de calmes dans la bibliothèque afin de lire un bon livre ! Enfin. Trève de bavardage : je rentre en classe.

    - Nous accueillons aujourd'hui une nouvelle élève, je vous demande le silence. 

    J'avance d'une démarche assurée et regarde droit devant moi. J'entre dans la salle de classe, me place à côté du bureau et me tourne vers l'ensemble des élèves :

    - Enchantée, je m'appelle Léanna Clesia et je viens d’emménager dans cette ville. J'espère passer une bonne année avec vous. 

    Je salue et le professeur principal -un certain Monsieur Kleyn- m'annonce d'aller m'asseoir au milieu du cinquième rang. J’aperçois une place de libre et je m'y installe en ignorant les vingts-huit paires d'yeux braquées sur ma petite personne. J'accroche mon sac à la poignée du bureau, pose ma têtes dans mes mains et j'écoute. Quoi me diriez-vous ? Les murmures qui s'élèvent doucement de la salle de classe, murmures et jugements, admirations et appréhensions, un drôle mélange de remarques sans queue ni tête qui ne tarde pas à me faire sourire. "Elle a l'air gentille !", "Sa jupe est trop longue ..", "Elle est jolie !", "On dirait qu'elle a un sale caractère !". Ils sont nombreux et quelques uns d'entre eux m'amuse un peu, je l'avoue. 

    - Salut ! Je m'appelle Amy !

    Je tourne la tête à droite, d'où provient cette voix si douce. Une fille aux cheveux noirs et longs jusqu'aux épaules encadrant un visage enfantin et rayonnant de joie vient de se présenter à moi. Ses cheveux sont sombres mais sa peau est si pâle et ses yeux si bleus ... Le contraste est charmant. Définitivement, je trouve cette fille ravissante. Le léger accent qui plane dans ses mots rends sa rencontre un peu plus hors du commun : je comprends vite qu'elle est d'origine européenne, même anglaise. 

    - Amy, tu es anglaise ? questionnai-je en tentant plus de deviner.

    Elle s'étonne un moment. Finissant par acquiescer elle s'extase :

    - Waou ! Je suis contente ! Mes parents sont anglais, j'habite ici depuis que mon père a voulu quitter le pays pour d'autre horizons. Je n'ai rencontré aucune personne sachant différencier si je suis française, finlandaise ou autres pays européen jusqu'à présent. Tu es bien la première.

    Nous passons tout le reste de l'heure à discuter de ses origines et des miennes. J'apprends donc qu'elle s'appelle Amy William, qu'elle est violoniste et qu'elle chante très souvent. Elle a un petit frère, et elle est dans le club de musique. Je lui révèle mes neuf années de piano et de kendo, ainsi que le nombre de frères et sœurs que j'ai : trois petits frères et deux petites sœurs. Une belle famille nombreuse comme on en voit rarement !

    La sonnerie retentit et nous saluons le professeur. Soudain, une foule d'élève se précipite vers moi :

    - Salut, je suis Tôma ! dis l'un.

    - Moi c'est Kuro ! enchaîne l'aure.

    - Dis, tu es maquillée ? Avec quelle fard ?

    - Est-ce que tu veux manger avec nous ?

    Un lot de questions aux quelles je réponds par des bégaiements et des sourires forcés, très peu convaincants. Bien que je sois sociable, la situation m'échappe et je deviens vite assaillie de demande et de remarque en tout sens. Je ne sais plus ou mettre de la tête ... Après une brève présentation, j'arrive enfin à me lever. Néanmoins, toujours pas à me dégager des élèves pressés autour de moi ... L'un d'entre eux lance une blague qui fusent aux oreilles des autres qui se mettent à rire bruyamment et bougent soudainement.

    En me bousculant. Brutalement. Sur quelqu'un.

    Je tombe en poussant un petit cri qui attire le regard de toute la classe mais elle -il ?- arrête ma chute. Je perçois quelques regards ébahis, des chuchotements discrets, des mains plaquées sur des bouches ouvertes. Puis petit à petit, la main qui me soulève et me remet en équilibre devient un bras, une épaule, un cou, puis enfin, un visage. 

    Un jeune homme brun, grand, fin et élancé. Avec des yeux très profonds. Si noirs, si mystérieux ... Très séduisant ! En s'adressant à moi, il se trouve avoir un sourire d'ange et un caractère serviable et aimable :

    - Tout va bien ? Rien de cassé ?

    Je bégaie un "oui" inaudible. Puis je me reprends :

    - Enfin oui et non ! Je veux dire : oui tout va bien et non je n'ai rien de cassé.

    Il se met à rire, aussitôt suivi des rires de toutes les autres filles de la classe. D'un coup d’œil, je sens la tension qui monte chez les garçons, une certaine jalousie mêlée à de l'admiration pour ce personnage qui semble leur voler la vedette, bien que l'ayant fait très involontairement.

    - Pour ton premier jour il ne vaudrait mieux que tu ne te blesse pas.

    - Ça ne risque pas d'arriver, répondis-je en repensant avec ironie aux nombreuses bagarres dans lesquelles j'ai été impliqué lorsque j'étais encore élève dans mon ancien lycée.

    Je lui souris et lui de même. La classe est comme figée, pétrifiée. Quelle atmosphère étrange pour une rencontre si agréable ! Le monde entier semble paralysée tandis que je goûte au plaisir des bonnes rencontres après celle d'Amy.

    - Je m'appelle Ren. Enchanté.

    - Moi de même !

    Et il s'en va avec un ami. Je me retourne pour demander à Amy de m'aider à trouver les toilettes afin d'aller boire un coup, mais je n'ai droit qu'aux regards noirs des filles et admiratifs des garçons. Ce Ren semble porter un rôle bien particulier au sein de la classe pour mériter ce torrent de réaction suite à ses paroles.

    Pourtant, j’aperçois dans les yeux d'Amy une faible lueur amusée.

    Chapitre retravaillée : 27/06/2020

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