• Un passé conjugué au futur

     

    ***

    La nuit se présenta d’une façon étrange, pleine d’indices uniques. Au bord du lac, d’innombrables crapauds croassaitent sur des chants saugrenus, apportant à l’étendue céleste un brin d’humour terrestre. On apercevait même au loin la lune, jouant à cache-cache avec les arbres. Les nuages se disputaient le territoire des étoiles, alternant çà et là un terrain de brume à un terrain d’éclat nocturne.

    Mais la plus belle dissonance de ce tableau se présenta dans le cœur de deux jeunes vagabondes qui s’arrêtèrent un instant afin de contempler cette scène étrange en tout point. Les deux femmes se remémoraient leur souvenir d’antan sur une note joyeuse, pleine d’entrain à l’idée d’évoquer des rires presque oubliés. Pourtant, au cœur de ce passé mentionné avec le goût de l’amitié, le ciel persistait à teinter cet échange d’une note au futur.

    Il y avait un net sentiment d’excitation à l’idée d’un passé rappelé sous une nuit d’été, comme si cette dernière, par le simple fait d’être ce qu’elle était, ordonnait qu’on appelât dans ce décor des désirs conjugués au futur.

    Je ne saurai comment m’expliquer autrement que par cette phrase : une nuit d’été contemplée aux côtés d’une amie invoque immédiatement des réflexions sur l’avenir. Quand bien même la couleur de notre dialogue se calquait sur des mémoires anciennes, aucune de nous deux ne pouvait s’empêcher d’ignorer cet étrange sentiment coincé entre nous, là, petit mais grand, plein d’interrogation et d’ambition du lendemain.

    L’atmosphère tout entière se pliait à la même dissonance : une nuit silencieuse brisée par le chant des crapauds, des étoiles incapables de briller dans la compagnie des nuages, une lune immature et enfantine cachée dans les arbres, et cet entêtement soudain du cœur à penser au futur alors qu’était évoqué le passé.

    Mais bien heureusement, les deux vagabondes étaient riches du souffle des artistes et de la sensibilité qu’on prête aux musiciens. Loin d’être embarrassées par ce déséquilibre des forces, elles se mirent à apprécier la couleur qui en résultait. Il était doux de mentionner des souvenirs et de les conclure au futur, car lui-même se paraît d’une interrogation sûre et belle d’être inconnue, comme cette lune au travers arbres.

    Rares sont ceux qui auront l’occasion de saisir l’avenir dans l’évocation du passé ; cela les rendit heureuses. Le secret se tissait à l’abri du monde, dans un tableau à l’envers et bizarre, aussi inattendu que leur avenir.

     

     

     Neyu

    Nuit du 05.06.2023 au bord du lac près de chez toi. 

    « Deviner l'identité de la luneFinalement, j'existe »
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