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  • Finalement, j'existe

    "The universe was made just to be seen by my eyes" - Saturn, Sleeping at last

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    Sentir le poids de ses cheveux basculer en arrière au fur et à mesure que son visage se dégage pour s’ouvrir au ciel, dans un élan de paix indescriptible. Entendre la nature chanter un hymne aux étoiles, fière d’être ce qu’elle est et pleinement consciente de la vie qu’elle dégage. Savourer les senteurs des fleurs qui éclosent en silence au point du jour, belles et douces, discrètes et sereines. Et enfin, aimer, toujours et encore, sans cesse et à l’infini, aimer pour le simple plaisir de vivre.

    L’univers a été fait pour que mes yeux puissent le voir. Contempler sera ma reconnaissance, ma foi. Respirer pour observer la beauté du monde et chercher toujours plus l’Artiste derrière la rivière, l’oiseau ou la montagne ; c’est ici que se trouve l’inspiration de ma louange. Les battements de cœur d’un enfant sont à eux seuls les plus belles notes de la symphonie du monde, et perpétuer leur partition servira les desseins de mon Roi. J’écrirai, puisque rien d’autre ne me comble plus au monde, pour essayer de retranscrire ne serait-ce qu’un soupçon de cet univers grandiose et merveilleux. Avec mes défauts humains, j’essaierai d’être au plus proche de la vérité ; en vain, parce que rien n’est plus vrai qu’être devant le fait accompli. Mais l’imperfection sera belle, puisqu’Il l’a décrété selon Sa volonté.

    Je me souviens tous les jours et j’espère tous les soirs, je souhaite et je crois, j’imagine et je rêve ; parce que je suis, je loue, et finalement, j’existe.

     

    Neyu

    - Soirée d’été, le 21/06/2023 -

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    La nuit se présenta d’une façon étrange, pleine d’indices uniques. Au bord du lac, d’innombrables crapauds croassaitent sur des chants saugrenus, apportant à l’étendue céleste un brin d’humour terrestre. On apercevait même au loin la lune, jouant à cache-cache avec les arbres. Les nuages se disputaient le territoire des étoiles, alternant çà et là un terrain de brume à un terrain d’éclat nocturne.

    Mais la plus belle dissonance de ce tableau se présenta dans le cœur de deux jeunes vagabondes qui s’arrêtèrent un instant afin de contempler cette scène étrange en tout point. Les deux femmes se remémoraient leur souvenir d’antan sur une note joyeuse, pleine d’entrain à l’idée d’évoquer des rires presque oubliés. Pourtant, au cœur de ce passé mentionné avec le goût de l’amitié, le ciel persistait à teinter cet échange d’une note au futur.

    Il y avait un net sentiment d’excitation à l’idée d’un passé rappelé sous une nuit d’été, comme si cette dernière, par le simple fait d’être ce qu’elle était, ordonnait qu’on appelât dans ce décor des désirs conjugués au futur.

    Je ne saurai comment m’expliquer autrement que par cette phrase : une nuit d’été contemplée aux côtés d’une amie invoque immédiatement des réflexions sur l’avenir. Quand bien même la couleur de notre dialogue se calquait sur des mémoires anciennes, aucune de nous deux ne pouvait s’empêcher d’ignorer cet étrange sentiment coincé entre nous, là, petit mais grand, plein d’interrogation et d’ambition du lendemain.

    L’atmosphère tout entière se pliait à la même dissonance : une nuit silencieuse brisée par le chant des crapauds, des étoiles incapables de briller dans la compagnie des nuages, une lune immature et enfantine cachée dans les arbres, et cet entêtement soudain du cœur à penser au futur alors qu’était évoqué le passé.

    Mais bien heureusement, les deux vagabondes étaient riches du souffle des artistes et de la sensibilité qu’on prête aux musiciens. Loin d’être embarrassées par ce déséquilibre des forces, elles se mirent à apprécier la couleur qui en résultait. Il était doux de mentionner des souvenirs et de les conclure au futur, car lui-même se paraît d’une interrogation sûre et belle d’être inconnue, comme cette lune au travers arbres.

    Rares sont ceux qui auront l’occasion de saisir l’avenir dans l’évocation du passé ; cela les rendit heureuses. Le secret se tissait à l’abri du monde, dans un tableau à l’envers et bizarre, aussi inattendu que leur avenir.

     

     

     Neyu

    Nuit du 05.06.2023 au bord du lac près de chez toi. 

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    La lune était grande d’une beauté exceptionnelle, fière d’être admirée par deux jeunes filles au cœur d’un dialogue étrange. 

    Elle s’était levée discrètement, bien au loin derrière la forêt, si bien qu’on ne la distinguait qu’à peine. La première à l’avoir aperçu s’est écriée très vite : « Regarde ! Est-ce un feu qui brûle, là-bas ? ». Son amie répondit sur la négative en fronçant les sourcils : « J’en doute, la lumière n’est pas mouvante, on dirait un halo qui s’élève peu à peu ». 

    La lune, en silence, souriait tout bas. Un feu ? Quelle drôle d’idée ! Mais après tout, pourquoi pas. Quelques minutes, l’astre nocturne se prêta au jeu des devinettes et donna à sa couleur une teinte orangée qui se confondait aux flammes. Allez, chuchota-t-elle, devinez-moi

    « Mais si, reprit la première fille, vois comme la lumière a la couleur des braises ! ». Son interlocutrice réitéra sa désapprobation : « Non, regarde comme la lumière est ronde. C’est la lune, j’en suis certaine ». Avec un petit rire, l’autre lui répondit : « La lumière n’a pas de forme ». « Elle n’a pas de couleur non plus ! » rétorqua à tort son amie.

    Désormais, la lune riait aux éclats. Être la parfaite inconnue et le sujet principal d’une telle énigme lui donna du cœur à l’ouvrage et raviva en elle la délicieuse sensation d’être en bonne compagnie. Finalement, son sourire dépassa le temps et des fossettes amusées se dessinèrent sur son visage pour donner à sa beauté l’ultime indice de son identité : 

    « Mais regarde, je te dis : il y a même des cratères ! C’est la lune ! ». Bien obligée d’accorder un point à cette remarque, son amie s’avoua vaincue.

    Un instant encore, la lune n’était qu’un hypothétique flambeau lointain, brillant vaillamment au cœur de la nuit. L’astre discret apprécia longtemps cette nouvelle identité qui lui fut donner par une inconnue passagère et impromptue.

     

    Neyu 

     

    Nuit du 05.06.2023, au lac près de chez toi. 

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